Ravage

Quand j'étais enfant, je pouvais jouer aux playmobiles pendant des heures. Je construisais une véritable civilisation playmobile. Je me souviens d'avoir une fois calculé le budget qu'il faudrait investir pour acheter suffisamment de maisons et autres murailles en kit pour achever une ville digne de ce nom. Ça faisait pas mal d'années d'argent de poche et ça m'entraînait potentiellement au delà de l'âge où on n'avait plus le droit de jouer aux playmobiles. Un avenir inquiétant auquel je ne préférais pas trop penser.

Je me souviens avoir même procédé à des élections de playmobiles. J'entendais à travers la cloison qui séparait ma chambre du salon des bribes de la soirée électorale des municipales de 1976. Quand il me semblait que la gauche ou la droite emportait une ville, un playmobile de gauche ou un playmobile de droite était élu.

Il y avait aussi une église construite en legos et dont les vitraux étaient fait avec des images de communion. Je ne me souviens pas y avoir marié des playmobiles mais elles servaient souvent d'ultime refuge quand la catastrophe survenait...

Car plus la civilisation playmobile se développait, plus elle était menacée par un sentiment redoutable qui montait en moi, et que le raffinement croissant du monde que j'inventais ne parvenait pas à endiguer : l'ennui.

Cet ennui d'un monde qui ne reflétait que ma raison d'enfant m'amenait à espérer de l'imprévu : l'évènement extérieur qui viendrait rompre un cercle trop parfait. C'est pour cela que c'était presque un "autre" qui soudain déclenchait une série de destructions qui ravageaient la ville presque entièrement mais jamais totalement. Car le jeu redevenait intéressant au moment où les survivants tentaient de s'organiser dans les ruines.

Pourquoi ce souvenir me revient-il alors que je fais le point sur ma trésorerie ? Je ne vois pas le rapport !