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Le rupellien
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21 octobre 2013

Sortir de soi

Lundi 21 octobre : rentrée du GAF (groupe d'approfondissement de la foi). Le thème de la soirée avait été préparé par Francus et un de mes élèves d'hébreu Joël. Tous deux proposaient au groupe de lui faire découvrir la "prière du coeur" à travers la philocalie, recueil spirituel orthodoxe. J'avais lu le texte mais je restais dubitatif : pourrait-on nourrir un échange "intellectuel" à partir de considérations purement spirituelles. Il faut dire que le GAF est un groupe de réflexion composé de personnes qui ont des sensibilités religieuses diverses. Si chacun peut faire appel à son expérience personnelle, nous ne nous situons pas pour autant dans le "partage".

En me rendant vers le lieu de la réunion, j'essayais en vain de "problématiser" ce que j'avais lu. Le texte fut relu et un tour de table commença. J'attendis la fin pour m'exprimer car je voulais d'abord saisir les contours du sujet à travers la façon dont les uns et les autres l'aborderaient. J'avais été frappé par la réflexion d'une amie qui disait la difficulté qu'il y avait à prier. L'échange qui suivit permis de poser une équivalence entre le désir de prier et la prière elle-même. C'est cette ouverture que j'attendais pour pouvoir entrer dans la réflexion. Finalement l'échec de la prière c'est la prière. Sentir qu'on n'arrive pas à prier c'est prier, comme sentir qu'on n'arrive pas à aimer, c'est aimer.

Je me souvenais de cette étrange définition de la prière qu'un de mes professeurs attribuait à Saint Thomas d'Aquin : "désiderium caritatis". La prière s'inscrit dans ce "néant" de la foi qui n'est pas un simple "rien" mais la présence d'une absence qui trahit un désir. "Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais pas déjà trouvé" écrivit Saint Augustin. Il ne s'agit pas bien sûr de minimiser le sentiment de vide qui peut être ressenti dans la tentative de prier et ce qu'il a de psychologiquement douloureux. D'autant qu'on peut avoir fait l'expérience inverse d'une plénitude, du sentiment de la présence, et en avoir la nostalgie. Comment ne pas voir que ce que Saint Jean de la Croix appelle la "nuit obscure" n'est pas liée à ces expériences lumineuses d'abord données ?

Face à l'inquiétude que peut provoquer le sentiment de ne pas savoir prier, de ne rien ressentir, j'évoquais deux souvenirs :

- Celui d'un jésuite disant lors d'une retraite ignacienne que Dieu a un tel désir de se donner à chaque homme qu'il suffit de lui ouvrir dans notre coeur l'espace d'une "pointe d'aiguille" pour qu'il s'y engouffre. "Si vous aviez la foi de la taille d'un grain de sénevé". La graine de sénevé était, je crois, une des plus petites graines. C'est donc dans ce qu'il y a d'infime, non pas de "plus petit" au sens de quelque chose qui aurait vocation à augmenter, mais dans le "néant" de notre être, ce moment où il accepte de se tenir hors de lui-même, d'exister, d'ex-istere, que se joue la relation à un Dieu qui lui-même s'anéanti et sort de lui-même.

- Et une phrase du curé d'Ars qui semble tellement éloignée de ces considérations métaphysiques, mais à mon avis pas tant que ça : a quelqu'un qui lui demandait comment il priait, il répondit : "Je l'avise et il m'avise". Finalement prier s'est accepter d'exister devant Dieu, c'est accepter d'exister tout simplement, et s'il a quelque chose à te dire, il ne faut pas s'en inquiéter pour lui, il trouvera bien le moyen de s'exprimer.

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