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Le rupellien
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27 mars 2013

Gloriole

Suite de l'histoire. Tout a commencé à Beit Ja*la, petite ville palestinienne chrétienne en banlieue sud de Jérusalem. Le séminaire disposait d'un beau terrain de foot en terre battue. Tous les mardis après-midi, les grands séminaristes y jouaient un match sous le regard et les encouragements des petits séminaristes dont la cour surplombait le terrain. Il y avait même quelques gradins. Les stars s'appelaient Zia*d et 'Im°ad, deux Jordaniens. Les coopérants français jouaient aussi. Pour composer les équipes, Zia+d et 'Ima°d choisissaient à tour de rôle un coéquipier dans le tas de séminaristes qui rétrécissaient. Ils commençaient par se partager les meilleurs et, à la fin d'un rituel humiliant, restaient les deux Français. Puis un, quand je fus le seul à jouer.

Pour se répartir sur le terrain, c'était un peu pareil : les meilleurs à l'avant et les moins bons derrière. Le poste le moins recherché était celui de gardien de but. Je compris assez vite qu'il était en réalité stratégique et que c'était ma seule chance de briller. Il faut savoir que j'avais de gentils supporters parmi mes élèves du petit séminaire que je ne voulais pas décevoir. Pour la petite histoire, j'avais déchaîné les foules, quand, donnant un coup de pied bizarre dans le ballon, ma chaussure ayant butté contre le sol, je lobais le gardien adverse qui s'était avancé et marquait un but d'anthologie. Je crois même que ce faux mouvement génial était dû à la peur suscitée par la sortie du goal.

Évidemment rien de tel ne s'était jamais reproduit ensuite. Je prenais donc à cœur mon nouveau rôle de gardien, me faisant expliquer la position dite du chat (il gato), qui consiste à se promener en crabe sur sa ligne de but, bras ballants, dans une attitude de chimpanzé. On comprend pourquoi on parle de garder la "cage". L'arrivée à pleine vitesse d'un ballon que j'étais censé intercepter au risque d'être hué par mes coéquipiers était une chose suffisamment pénible pour que je m'y prépare en permanence. Je ne lâchais donc jamais le ballon des yeux et je finissais les parties sans avoir trop couru mais épuisé par la concentration et le stress. Je progressais et je commençais à y prendre goût.

J'avais repérer qu'un autre humilié, Bas/sam, une vocation tardive (20 ans quand la plupart des séminaristes avaient commencé à 12 ans), avait choisi la même stratégie d'intégration que moi. Il se trouvait dans l'équipe adverse qui était celle d''Imad. J'étais en effet copain avec Zi°ad qui me choisissait quand je restais "en solde" avec mon alter ego. Usant d'un argument théologique voire mystique, je convainquais mon sélectionneur qu'étant faible et étranger, je porterai bonheur à son équipe. Il commença à me choisir un peu plus tôt et nous enchainâmes les succès. A chaque fois, je réitérais mon explication "magique".

Nous étions en Orient où la notion de Baraka est prise très au sérieux. Du coup, 'I°mad trouva habile de recruter le porte-bonheur avant Zi°ad, d'autant qu'étant plus malin que ce dernier, il avait aussi compris l'intérêt d'avoir dans son équipe les deux goals qui s'appliquaient vraiment à rattraper les ballons. Si les attaquants de pointe étaient encore sélectionnés avant nous, nous étions désormais choisis avant les défenseurs ce qui était très honorable. Je pu donc jouer au foot pendant deux ans sans subir l'humiliation de finir en solde devant mon jeune public. Mais à condition de ne pas sortir de ma cage.

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