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Le rupellien
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10 janvier 2015

Jésus est Charlie

Jésus qui fut accusé d'être un blasphémateur et qui en est mort, eut cette parole :

"En vérité, je vous déclare que tout sera pardonné aux fils des hommes, les péchés et les blasphèmes aussi nombreux qu'ils en auront proféré. Mais si quelqu'un blasphème contre l'Esprit Saint, il reste sans pardon à Jamais." Mc 3,28-29

Mt 12,32 ajoute "Si quelqu'un dit une parole contre le Fils de l'Homme, cela lui sera pardonné."

Les évangélistes furent embarrassés par cette citation, peut-être comme bien des chrétiens semblent gênés à l'idée de dire "je suis Charlie" alors qu'ils rêvaient de faire interdire ce journal et de rétablir des lois "anti-blasphème". Cette citation fut insérée dans le contexte où Jésus est traité de "possédé" par les uns et considéré comme "fou" par sa parenté. Le raccord était si peu évident qu'une main a ajouté : "C'est parce qu'ils disaient : 'il a un esprit impur'." Mc 3,30 Ce qui ne semble pas beaucoup plus clair.

Je pense que le vrai contexte de cette phrase choc de Jésus, phrase qu'il a dû employer souvent et qui faisait partie des maximes du "maître de Nazareth" était un commentaire de la Torah, plus précisément de la troisième "parole" du Décalogue :

"Tu n'élèveras pas le nom d'YHWH ton Dieu en vue d'une fausseté car YHWH n'innocente pas celui qui élève son nom en vue d'une fausseté" Ex 20,7

"Tu n'élèveras pas", on pourrait dire "tu ne brandiras pas", évoque un mouvement vers le ciel. Cela semble plus être lié à un geste qui prend à témoin le ciel qu'au simple fait d'élever la voix (traduction toujours possible). "En vue d'une fausseté" , Un des meilleurs dictionnaires traduit : "to no good purpose" en vue d'un mauvais dessein.

On est loin du "tu ne prononceras pas en vain, où à tord" qui ramena cette parole devenue "commandement" à l'interdit religieux du blasphème qu'on trouve dans les catéchismes. Cette interprétation avait déjà court parmi les contemporains de Jésus, d'où sa précision : le péché qui prive de tout pardon, ce n'est pas le blasphème, mais le péché contre l'Esprit.

Utiliser le nom de Dieu pour un mauvais dessein, pour tromper autrui. Le contraire de la "sanctification du Nom", du véritable "témoignage", en grec "martyre", qu'on retrouve dans la prière juive "lehitqaddesh shemkha" : "que ton Nom soit sanctifié". Utiliser le Nom de Dieu en vue de tromper : péché qui atteint dans un même mouvement Dieu et le prochain. Se servir de l'idée qu'on se fait de Dieu pour nuire. Et pas de n'importe quel "Dieu", de celui qui se déclare dans la libération des captifs et la destructions des idoles. De celui qui est "Esprit".

Les blasphèmes et les caricatures provocatrices, ne peuvent, par définition ne s'attaquer qu'aux idoles, qu'aux images qu'on se fait de "Dieu". A la limite, et peut-être pas qu'à la limite, elles procèdent du mouvement de déconstruction de toute image de "Dieu" qui est à la base même de la vraie foi monothéiste. Merci Charlie de dégommer nos caricatures religieuses par tes caricatures irréligieuses. Merci de désacraliser ce qui n'a pas à être sacré : le pouvoir, l'argent et tous les "phallus".

Dans le slogan "je suis Charlie", je dois dire que ce qui m'a effrayé au départ c'est "Je suis". Ne transformons pas notre émotion en mouvement identitaire. Ne devenons pas des "je suis" contre des "eux, ils ne sont pas". Mais en ajoutant "Charlie" à "je suis", on renverse ironiquement cette logique, du moins je l'espère. Car il n'est rien de plus opposé à l'identitaire que l'anarchiste.

La lettre tue, l'Esprit vivifie. Il n'est de péché irrémédiable que contre l'Esprit. Il n'est de blasphème que de tuer au nom de Dieu. Ne craignons pas ceux qui peuvent tuer le corps.

Charlie est ressuscité !

 

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