C'est un joli nom "camarade"

L'homme avait la cinquantaine, en jean, l'air viril genre "ouvrier". Sur son tee shirt noir était imprimé quelque chose qui ressemblait de loin au slogan publicitaire "un Mars et ça repart" sauf que de près on lisait "Marx". Il tenait une carte postale dont il semblait presque dissimuler l'image avec sa main et me demanda l'enveloppe à quinze centimes proposée en complément à cause du format inhabituel. Il la glissa aussitôt à l'intérieur. Intrigué par cette espèce cachotterie et un peu de rouge qui était monté aux joues du militant, j'attendais qu'il soit sorti pour sortir à mon tour et inspecter le petit présentoir des cartes "profanes" à 1 euro 20.

Je reconnu tout de suite le modèle entre aperçu : c'était la photo d'une belle porte en bois. En gros plan, la poignée à laquelle était accroché un coeur en tissu avec marqué dessous : "Bienvenue ! Quand tu veux ;-)". Le truc que tu n'envoies pas à un copain syndicaliste, à moins que... Il faut se méfier des apparences ! Enfin, le noir mal délavé de son tee shirt, avec des traces disgracieuses dues au non-emploi d'une lessive pour le noir et à l'exposition prolongée au soleil autour d'une corde, trahissaient l'hétéro célibataire. Décidément : "il n'est pas bon que l'homme soit seul" (Gn2) ! Mais la situation allait peut-être changer. J'imagine que la femme rencontrée pendant les vacances est loin maintenant. Elle n'est peut-être pas de gauche, elle est peut-être même carrément bourgeoise, et les charmes qu'elle trouve au marxisme n'ont probablement pas grand chose à voir avec la lutte des classes.

Soudain une idée horrible me traverse l'esprit : et s'ils s'étaient rencontrés dans une manif anti-israélienne ? Mais je me ravise : impossible, l'amour ne peut pas jaillir de la haine, c'est trop glauque ! Je reprends donc ma rêverie solitaire. Pas vu grand monde en cette fin d'après-midi !