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Le rupellien
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14 avril 2014

Cogito gogitata

Nous traversons une zone de turbulences informatiques : ordinateur du magasin en panne, smartphone en rodage... Je déroge donc à mes habitudes en bloguant lundi, histoire de profiter du portable de la maison qui résiste encore. A en croire l'homme du service technique qui auscultait ma machine défectueuse - "six ans, c'est l'âge, ils lâchent tous " et il me montre trois carcasses d'ordinateurs posées sur sa table - à l'en croire donc, le poste de la caisse n'en a plus pour très longtemps et ce portable survit peut-être de n'avoir été que peu utilisé. Obsolescence programmée.

Comme si nous n'étions pas assez plongés dans le cybermonde, nous avons regardé "Matrix" pour la première fois. Il me semble que j'en avais déjà aperçu la fin sans bien comprendre et, il faut reconnaître que, même en entier et sans rien rater depuis le début, ça reste un peu complexe.

[ En résumé : les humains s'imaginent vivre leur vie mais, en réalité, ils sont enfermés inconscients dans des bulles et participent à un monde virtuel créé par un système informatique surpuissant "la Matrice". Quelques-uns ont réussi à se débrancher et naviguent dans un vaisseau bourré d'électronique caché dans les égouts d'une ville monstrueuse dominée par les machines qui se nourrissent de l'énergie des vivants captifs. De là, ils font des incursions dans le monde virtuel où ils semblent avoir trouvé le messie dans la personne de "Néo" mais un doute demeure. Après une traîtrise et des affrontements chorégraphiés comme des arts martiaux contre des agents anti-humains ressemblants à des gardes du corps de chef d'état - oreillettes, lunettes noires, blazer... - Néo se révèle bien être l'élu. Détail amusant : les héros s'évadent du monde virtuel en se précipitant sur d'antiques téléphones qu'ils décrochent pour disparaître et se réveiller dans le vaisseau où leurs corps étaient sagement endormis. ]

Voilà pour les non-initiés, quand aux initiés, ils me pardonneront les erreurs et les inexactitudes qui se trouvent inévitablement dans mon résumé. Car un tel film, mêlant science fiction, métaphysique, morale et même religion, derrière les rebelles il y a "Sion", un tel film, j'en bogue moi-même, un tel film donc se prête évidemment à de multiples interprétations, à des querelles d'experts et d'adeptes qui l'ont revisionné dans ses moindres détails. Plus modestement, nous promenant avec Franck le long d'un paysage marin qui nous semblait si réel, nous avons essayé d'en tirer quelques réflexions.

Il y a d'abord cette idée que tout ne pourrait n'être qu'illusion, le doute méthodique de Descartes : dans la mesure où la réalité me parvient par mes sens et que ceux-ci peuvent être trompeurs, je peux douter de tout jusqu'à l'existence du monde. Mais il faut encore une conscience qui doute pour douter. Les humains dans leurs bulles sont donc des "cogito", des "je pense" purs matérialisés dans des corps totalement inertes simplement reliés à la "Matrice". Mais ces corps peuvent se libérer et gagner le monde réel, monde effrayant et austère, bien loin du virtuel. Pour cela, il faut sortir de la caverne de Platon, choisir entre la pilule bleue et regagner la quiétudes des illusions, ou la pilule rouge et assumer une liberté et une lucidité sans retour.

L'existence de cet "arrière-monde" réel me pose un problème. Pas à vous ? Car il suppose un noumène (réalité) au delà du phénomène (ce qui apparaît). La distance fondamentale entre la conscience (cogito) et les choses dont elle est consciente (cogitata) est ramené à une réalité "vraie" contre une réalité "illusoire" alors qu'en réalité, si j'ose dire, il n'y a pas de "cogito" sans "cogitata", le "cogito" est un "cogito gogitata". Du moins, l'arrière-monde de science fiction qui est représenté par un monde dominé par les machines à quelque-choses de si austère et dépouillé qu'il peut être compris comme une simple métaphore de la conscience.

Autre sujet intéressant : l'opposition entre un monde de déterminismes et la difficile liberté de ceux qui en ont pris conscience. Sauf qu'ici la liberté n'est pas un choix offert à tous mais seulement à des appelés, les autres ne pouvant pas s'imaginer être plongés dans l'illusion. Paranoïa typique du cinéma américain où face à un pouvoir totalitaire quelques rebelles résistent dans l'incompréhension générale. Mais, je veux y voir, là-aussi la possibilité d'une parabole illustrant la nécessité de choisir entre assumer sa liberté, le fait d'être un "pour soi" ou, se rassurer en s'assimilant à l'"en soi" des choses. Dans le film, le traître, le Judas, le "salaud" sartrien, préfère retourner dans un monde d'illusions où il pourra jouir d'un bon repas qu'il sait être virtuel, plutôt que de manger l’écœurant porridge servi dans le vaisseau de la liberté.

J'avais juste dit "porridge" peut-être même "flocons d'avoine" que Franck me fit remarquer, me tirant dans le monde réel : "Tu vois, tu ramènes tout à ta propre expérience." On a regardé la mer en silence.

 

PS. Je vous parlerai plus tard de Néo qui permet une réflexion sur la conscience que le Christ avait de lui-même...

 

 

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