Le "ramassé"
Ma chronique de la semaine dernière, "le ramassis", n'a toujours pas de suite ... Il faut dire que j'avais mis la barre un peu haut en annonçant une réflexion, "personnelle", sur ces "mélanges" qui habitent nos plus belles impulsions, à l'image de la foule obscure qui monta avec Israël d'Égypte. La séparation d'avec ces encombrants compagnons de route est toujours éprouvante et conflictuelle. On peut même dire que c'est leur rôle de nous purifier après avoir participé à notre enthousiasme initial. Je pensais, évidemment, à la difficile expérience vécue à la librairie.
Pas facile de revenir sur soi, d'assumer sa responsabilité dans des difficultés, quand ceux qui vous y ont mis n'assument pas la leur. En même temps, il n'est rien de plus redoutable que l'attitude victimaire, particulièrement quand on est objectivement victime.
[ Pour ceux qui l'ignoreraient : un service de l'Église catholique locale a profité de notre arrivée comme nouveaux libraires pour développer un dépôt-vente de livres concurrent à Saintes. Concurrence déloyale car s'adressant principalement à une clientèle interne, n'offrant pas les mêmes services et se finançant grâce au soutien matériel de l'institution. En outre, elle se produisait dans un marché incapable de porter deux entreprises créant une situation de dumping. Le fait que nous soyons des laïcs, protestants de surcroît, et homos qui plus est, ne nous aurait pas desservi... Il faut reconnaître par ailleurs que pendant six ans, nous avons reçu le soutien de nombreux chrétiens, de prêtres, de pasteurs et, "last but not least", de l'évêque qui s'est toujours montré véritablement fraternel. "Je ne suis que l'évêque", nous a-t-il avoué un jour.]
Mais je retarde le moment de l'auto-critique. Si je devais revenir six ans en arrière, je changerais une chose fondamentale : je ne chercherais aucunement à "faire Église" comme on dit dans le jargon catholique. Certes, si j'avais eu cette "juste distance" aux Églises, il y a peu de chance que l'histoire ait seulement commencé. Je confesse que j'ai payé le prix d'un désir désordonné de trouver ma place dans une communauté idéalisée. Au moins, je l'ai payé cher, mais ma souffrance est d'avoir entraîné Franck avec moi. Il n'avait pas lui, le romantisme narcissique de l'ex-séminariste !
C'est de ce "désir d'Église" que sont nées toutes les attentes déçues et les incompréhensions qui ont aggravé notre situation, en tendant nos relations avec d'éventuels partenaires et surtout en nous décourageant, en nous dispersant et en nous désorganisant. Que d'énergie perdue ! Il paraît que ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts. S'il n'est pas dit que nous ne soyons pas déjà morts économiquement, nous nous sommes relevés moralement de cette épreuve. Il faut parfois se ramasser pour progresser.
A suivre...