Rose-Line a raison.

Rien de tel que des problèmes de trésorerie pour vous faire perdre toute inspiration ! Je regarde bêtement cet écran et je cherche l'anecdote, la pensée, la nouvelle qui pourrait me faire démarrer. Rien. Je n'ai tout de même pas traversé ces dernières heures comme un zombie ! Franck m'appelle pour que j'aille à la poste. Je vais ouvrir mes yeux et mes oreilles...

La poste est en face de la librairie, il faut juste traverser la place de la mairie pour y parvenir. Je suis toujours étonné par l'atmosphère particulière qui y règne : un curieux mélange de stress de la clientèle et de nonchalance du personnel qui s'inversent immanquablement une demi-heure avant la fermeture. J'y entre avec un carton sous le bras droit et ma carte pro dans la main gauche bien en évidence pour faire dégager d'éventuels manants qui se seraient opportunément mis devant le guichet prioritaire. A côté de moi, un monsieur demande en montrant une grosse étiquette : "c'est bon pour la Russie ?" - " Je vais demander à ma collègue." La collègue c'est l'employée qui s'occupe de mon carton. - "Roselyne, c'est bon pour la Russie ?" Mon interlocutrice s'appelle donc "Roselyne" que je ré-orthographie mentalement en "Rose-Line" car je ne connais qu'une authentique "Roselyne". Elle répond : "Non, c'est pas bon" et ajoute goguenarde : "il n'y a rien qu'est bon pour la Russie."

Nous voici instantanément plongés dans la géo-politique. Moi en tout cas, car je ne suis pas sûr que "Rose-Line" a bien mesuré la portée de ses propos. La Russie est un pays inquiétant et certains commentaires que suscite sa politique ne le sont pas moins. On a en effet entendu, dans tous les médias, des intellectuels défendre la légitimité d'une annexion territoriale expéditive dans l'Europe du XXIème siècle. Entendons-nous bien : les Criméens, comme les Basques ou les Écossais, ont le droit à l'auto-détermination. Le rattachement de la péninsule à l'Ukraine était récent et pouvait parfaitement être contesté. Mais ce qui c'est produit n'a rien d'un processus normal. C'est ni plus ni moins qu'un acte de guerre contre un voisin qui à l'audace de vouloir se rapprocher de l'Union Européenne, voisin dont on s'est porté garant de l'intégrité territoriale en échange de son désarmement nucléaire.

Elle a raison Rose-Line : "Y'a rien qu'est bon pour la Russie". Ce pays manquait-il d'espace, de ressources naturelles, de population ? Ce pays était-il menacé ? Ce pays est-il sur le chemin de la démocratie, de l'état de droit et de la bonne gouvernance économique ? Tous les russophones de la région ont-ils vocation à rejoindre la mère patrie, comme autrefois les Allemands des Sudètes ? Il est où le "sans faute" que Le Pen (J.M.) attribue à Poutine ? Elle a raison Rose-line, elle a raison.